2 juin 1885
Depuis quelques jours la compagnie des Alendiers s’est installée en ville. Même si mère m’a interdit de traîner autour de leur camp, je n’ai pas pu résister. Voir ces ballons s’élever dans le ciel pour les patrouilles de reconnaissance me fascine. Je sais qu’elle à peur, depuis la mort de père pendant la grande exploration. Elle n’a qu’une crainte : qu’on rejoigne la compagnie. Mais explorer le monde, découvrir, n’est-ce pas là ce que chacun recherche, ce à quoi père nous destinait depuis toujours ?
4 juin 1885
Hier, j’ai entendu Alisan parler de l’île des Brumes. C’est pour cela que la compagnie est ici. Avant sa disparition, j’ai souvent discuté avec père de cette île mystérieuse. Pour lui, c’était la chasse gardée de la compagnie, une terre à explorer. La brume empêche les navires d’approcher, aucun marin de Jison n’ose y aller à part le vieux Patson. Mais peut-on vraiment croire tout ce qu’il raconte ?
Des affiches ont été placardées dans toute la ville : la compagnie recherche des dessinateurs pour accompagner la prochaine exploration de l’île. Une chance inespérée ! Si j’arrive à rencontrer le recruteur sans que mère ne le sache, je suis sûr d’être pris. Il faut absolument que je leur montre mes carnets.
5 juin 1885
Les ballons sont prêts. Préparer mon sac sans que mère ne le sache n’a pas été facile. Heureusement que la compagnie fournit la plus grande part de l’équipement, je n’ai pas eu besoin d’un gros sac. J’ai prétexté que je partais au marché ; le décollage est prévu en fin de matinée. J’ai hâte.
6 juin 1885
Le voyage n’a pas été de tout repos. J’étais prévenu, mais je dois dire que la violence des vents que nous avons traversés pour atteindre l’île m’a laissé tremblant. Surtout, quel contraste avec le calme plat et pesant, presque palpable, qui nous attendait sur l’île.
Nous avons débarqué sous un temps doux et calme au nord-est de l’île, sur un plateau abrupt surplombant le reste du territoire. Le silence est presque étouffant, comme si l’île elle-même retenait son souffle.
À peine avions-nous posé les pieds à terre qu’une sorte de cerf aux bois majestueux s’est approché. Nous sommes restés interdits quelques secondes avant qu’Alisan ne me pousse du coude et ne pointe mon carnet du doigt. J’ai immédiatement croqué la créature, notre première rencontre. D’apparence massive, ses bois semblent abriter une forêt. Des oiseaux y nichent, interrompant leurs chants à notre vue. Ses longs poils lui donnent l’apparence d’un vénérable sage, d’un gardien.
Après nous avoir jaugés, comme pour vérifier nos intentions, il s’est retourné, disparaissant au loin sur le plateau. Cette première rencontre m’a laissé sans voix, mais confiant quant à la suite de notre exploration. Je l’ai appelé Boiforet (Cervus Silvae Coronam).
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