Dans ma lancé d’écriture d’articles plus ou moins intéressants et utiles, j’ai décidé de faire une sorte d’inventaire des choses que j’ai appris et qui m’ont étonné. On commence par le télégraphe Chappe.
J’ai découvert grâce au livre CODES la grande aventure de Pierre Loquin (qui, cela dit en passant, est livre intéressant mais pas très rigoureux dans le propos) l’existence pendant des dizaines d’années en France, en Europe et même aux Etat-Unis d’un réseau de télégraphes optiques dont l’origine est française puisque l’idée vient des frères Chappe.
Le télégraphe Chappe (ou télégraphe optique) est un moyen de communication optique par sémaphore, sur des distances de plusieurs centaines de kilomètres, mis au point par Claude Chappe en 1794. Les sémaphores sont en général placés sur des tours dites tours Chappe.
La première ligne de sémaphores Chappe fut établie entre Paris et Lille en 1792. Elle fut utilisée pour transmettre des dépêches pour une guerre entre la France et l’Autriche. En 1794, elle transmit à la convention la nouvelle de la prise de la ville de Condé-sur-l’Escaut aux Autrichiens moins d’une heure après qu’elle arriva. D’autres lignes furent construites, parmi lesquelles une ligne de Paris à Toulon.
Le premier symbole d’un message pour Lille traversait 193 km à travers 15 stations en seulement 9 minutes. La vitesse de la ligne variait avec le temps, mais la ligne pour Lille transférait habituellement 36 symboles, un message complet, en environ 32 minutes.
Ce réseau est à l’origine de la première apparition documentée d’un « virus réseau » puisqu’en 1834, une faille du réseau de télégraphe a été utilisée par les frères Blanc pour connaitre les fluctuations des cours à Paris.
Ils ont 28 ans et s’établissent en 1834 à Bordeaux à la tête d’une société de placement qui mise sur la hausse ou la baisse des valeurs de la Bourse de Bordeaux. Comme ils spéculaient sur les fluctuations des rentes de l’État, il leur était nécessaire de connaître avant les autres si les cours étaient en hausse ou en baisse à Paris afin d’acheter ou de vendre avant que le marché local ne s’aligne sur celui de Paris. À l’époque, les Rothschild utilisaient déjà des pigeons voyageurs pour transmettre les nouvelles essentielles entre leurs bureaux.
Les deux frères utilisent le télégraphe Chappe avec la complicité des fonctionnaires en charge de son fonctionnement. Un fonctionnaire complice introduisait dans un quelconque message officiel, une « coquille » qui en fait signifiait « marché en baisse » ou « marché en hausse ». Un autre complice à Bordeaux se chargeait de les prévenir de l’anomalie constatée une fois le message réceptionné, ce qui leur permettait d’avoir toujours une demi-heure d’avance sur tous les autres agents de change.
Leur stratagème est découvert après deux ans de fonctionnement. Lors du procès, ils reconnaissent que si le système est techniquement frauduleux, ils n’ont finalement causé de tort à aucun investisseur privé et que tous les financiers utilisent des moyens du même ordre. Finalement, ils sont juste condamnés à une amende pour corruption de fonctionnaires et au paiement des frais du procès. Quittant définitivement Bordeaux, ils s’installent à Paris avec les poches déjà bien pleines.
Voilà l’état du réseau à différentes époques (image provenant de http://telegraphe-chappe.com)
Des réseaux de télégraphes aériens se sont développés un peu partout en Europe puis aux Etats-Unis (où il fut surtout utilisé pour le commerce).
Pour l’anecdote, les sémaphores eurent tant de succès que Samuel Morse n’arriva pas à vendre le télégraphe au gouvernement français. Toutefois, la France finit par les remplacer par des télégraphes électriques dès 1846 car les télégraphes électriques sont à la fois plus confidentiels et moins sujets à des perturbations dues au mauvais temps (même si à l’époque, de nombreux contemporains avaient alors prédit l’échec des télégraphes électriques car « ils sont si faciles à couper »).
Et une anecdote encore plus marrante, aux Etat-Unis, le dernier télégramme a été envoyé en 2006, la compagnie Western Union (fondée par Samuel Morse) ayant indiqué à ses clients par mail que le service cesserait le 27 janvier 2006. En France par contre, les irréductibles gaulois continuent de proposer l’envoi de télégrammes pour la modique somme de 8,25 euros si ça vous interesse, c’est France Télécom qui s’en occupe ici.
Laisser un commentaire